• X comme... les enfants anonymes

    Robert Lewis Reid (1862–1929), Her first born,
    1888, huile sur toile, Brooklyn Museum.
    X comme... les enfants anonymes
    Tout généalogiste en a trouvé au moins un - mais en général plusieurs -, un acte de décès, celui d'un enfant. Cette enfant, en général mort-né ou mort quelques heures après sa naissance, qui n'aura même pas eut le droit à un prénom et est simplement inhumé de manière anonyme. Certains ont été ondoyé car "en danger de mort", souvent par la sage-femme. Mais tout de même, si son âme est sauvée, il n'aura pas de prénom pour autant.

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    Les actes sont tous rédigés différemment en fonction de celui qui l'écrit, là plupart sont formels et je vois écrit la plupart du temps : "(...) nous ont présenté un enfant sans vie de sexe masculin qu'ils ont déclaré être né ce soir...(...)" ou encore "(...) un enfant sorti sans vie du sein de sa mère (...)".

     Je me rends bien compte que donner un prénom a un enfant mort-né, qui n'aura pas eut le droit à un baptême, doit-être à la fois horrible et compliqué, mais tout de même... quelle tristesse de ne même pas avoir eut un prénom qui aurait pu être un souvenir, pour ne pas avoir juste à dire "l'enfant". Peut-être un certain nombre d'entre eux étaient-ils des grands prématurés, ou non.

    Certains en revanche sont franchement froids et sans compassion aucune. Pour quelques uns parfois, ce n'est qu'un "enfant", dont on ne saura même pas si c'est une fille ou un garçon.

    X comme... les enfants anonymesEn 1836 par exemple, mon ancêtre Victoire GUAY (=> Lire son histoire) donne naissance à un enfant malheureusement mort né qui ne portera pas de prénom. L'officier de l'état civil écrit alors ces mots, en marge et dans l'acte lui même qu'il "a été présenté le cadavre d'un enfant de sexe masculin (...) lequel enfant est sorti du sein de sa mère aujourd'hui à sept heures du matin, en leur demeure." Et il en sera de même pour celui qu'elle aura en 1840 de son troisième mari, Ambroise FÉLIX (voir ci-contre)

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    Un enfant mort-né ou décédé avant son baptême n'avait pas de sépulture chrétienne et son âme allait dans les limbes. Pour cette raison, lors d’une naissance difficile et/ou si le bébé semblait mal en point on recourrait immédiatement à l’ondoiement.
    Le baptême est un sacrement et ne peut être donné qu’une fois, mais l’ondoiement permet de sauver la petite âme en la lavant du péché originel, sans accomplir toutes les étapes du baptême. Cet acte était souvent appliqué par la sage-femme. Mais cet acte n'impliquait pas forcément de donner un prénom au nouveau-né. Il s'agissait là plutôt d'un acte fait dans l'urgence d'une mort imminente, pour le salut de son âme.

    Cette croyance est très ancienne, puisque déjà dans l’Antiquité, les Grecs pensaient que les enfants mort-nés étaient condamnés à errer cent ans avant d’avoir le droit de franchir le fleuve Acheron.

    J'ai retrouvé deux cas d'ondoiement effectués par la sage-femme dans mon arbre, l'un a finalement survécu et a été aussitôt baptisé. Le second en revanche restera donc "Anonyme" mais sera malgré tout inhumé au cimetière...

     

    X comme... les enfants anonymesActe de décès d'un enfant Anonyme - 1785 - Archives départementales du Morbihan (Meslan)

    "L'an de grace mil sept cent quatre vingt cinq, le douze janvier, a été inhumé au cimetière le corps d'anonime Sceau, né au Botaval hier du légitime mariage de Jean et de Elizabeth Goupil, ondoyé à la maison et décédé hier au-dit lieu... (...)"

    Cette peur de condamner les petites âmes à errer dans les limbes donna également lieu à un rituel particulier, "les sanctuaires de répit", pour en savoir sur cette pratique, je vous encourage à lire cet article : Quand on faisait revivre les enfants morts-nés : les sanctuaires à répit

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    Bien sûr, il faut aussi se mettre à la place des gens de ces époques plus lointaines. La mortalité infantile était courante, sans doute trop pour prendre le temps de s'apitoyer sur toutes ces petites tombes, s'ils ont une véritable sépulture dans le cimetière communal, ce qui n'est pas nécessairement le cas. En guise de cercueil, s'ils en ont, une tuile ou deux peuvent avoir cette office.

    Dans la France ancienne, du Moyen Âge au XIXème siècle, le nouveau-né est en effet une vie qui reste fragile et donc bien souvent éphémère : un nourrisson sur quatre en moyenne n’atteint pas son premier anniversaire et toutes les familles ont perdu un ou plusieurs nourrissons. Je ne pense pas que les gens d'alors y étaient de fait presque insensibles, sans aucun doute ils en étaient affecté mais peut-être l'acceptaient-ils plus aisément car la chose était courante, comme résignés. Et puis, cela parait horrible à dire, mais un autre le remplaçait très vite.

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    Et d'ailleurs, que dire aussi de tout ces enfants nommés mais morts en très bas-âge qui verront leur prénoms si peu de temps porté, attribué à celui de la fratrie qui le suivra ? Finalement, je me dis que d'une certaine façon, leur aîné survivant les "efface" en prenant leur prénom. Ci-dessous, un exemple dans mon arbre, avec ma branche de Seine-et-Marne.

    La persistance dans de nombreuses branches familiales à vouloir transmettre à son aîné(e) non seulement son nom, mais aussi son prénom, explique peut-être cette "habitude" - un peu morbide tout de même de notre point de vue du XXIème siècle - de nommer "celui qui survit" comme "celui qui est mort". Préservant ainsi en quelque sorte la lignée de la famille.

    X comme... les enfants anonymes
    Extrait de mon arbre généalogique avec le logiciel Généatique

    Ainsi mon ancêtre Amand PATROLIN (Sosa n°1364) appela son aîné Amand. Malheureusement, ce fils meurt à l'âge de trois ans. Tant pis, le fils qui nait 7 mois après son décès s’appellera lui aussi Amand PATROLIN, sans même un second prénom pour le différencier de son aîné qu'il ne connaîtra jamais de toute façon. L'un de mes ancêtres donna le même prénom à ces trois premiers enfants, le troisième ayant vécu plus longtemps, la "chaîne" s'arrêta là.

    En parlait-on seulement ? Savait-il ces enfants, qu'ils portaient quelque part "par défaut", le prénom de celui qui "aurait dut être" ? Comme si ces enfants n’existaient réellement qu'en vivant au-delà de leurs  huit ans...

    D'ailleurs, concernant le choix des prénoms donnés aux enfants, il suffit en général de regarder dans ceux qui les ont précédés. L'aîné des garçons porte en général le prénom de son père, l'aînée des filles celui de sa mère. Le second prendra le prénom de son grand-père paternel et le troisième celui de son grand-père maternel... même schéma pour les filles et leurs grand-mères. Bien sûr, ce n'est pas non plus systématique mais cela reste une tradition bien ancrée sur plusieurs siècles. Ma propre grand-mère porte le prénom de sa mère, et son frère celui de son père !

    X comme... les enfants anonymes
    Frank Holl (1845–1888), Her first born (Son premier né), 1877, huile sur panneau, Museum Sheffield.

     


  • Commentaires

    1
    Jeudi 28 Novembre 2019 à 10:51
    Christelle
    Ce sont des cas que nous avons tous rencontrés. Mais je n'arrive pas à concevoir que ces décès aient pu laisser les parents indifférents.
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